« La Tortue » a pris son temps
Christophe Willem, lauréat de « Nouvelle Star » sur M 6, au printemps, termine son premier album, attendu en avril et dont un premier single sort aujourd'hui. Epaulé notamment par Zazie, le jeune homme y a peaufiné un univers bien à lui.
IL ECARQUILLE les yeux, soulignés par un énorme sourire. Christophe Willem n'en croit pas ses oreilles. Appuyé sur une table de mixage du studio Oméga de Suresnes (Hauts-de-Seine), il écoute les versions définitives de son album à paraître le 16 avril, qui se cherche encore un titre.
« Je les découvre véritablement avec vous », explique le gagnant de la dernière « Nouvelle Star » de M 6. Sorti au printemps dernier de cette émission étiquetée télé-crochet, le jeune homme de 23 ans est parvenu à s'offrir un casting de luxe : cinq chansons de Zazie, deux de Philippe Katerine, un duo avec Valérie Lemercier. Un bon début. Cela commence par un brouhaha, sur lequel se greffe un bruit de tiroir-caisse et d'où sort une pop sucrée habillée de cordes. « Elu produit de l'année », qui ouvre le disque, est aussi le premier single, disponible dans les bacs dès aujourd'hui. Sur un texte de Mathias Debureaux et une musique de Bertrand Burgalat, le chanteur y parle d'un locataire d'une gloire éphémère, souvent copié jamais égalé . Sa voix s'envole sur le refrain, Elu produit de l'année, grâce à mon inventivité, avant une pirouette au deuxième degré : Quand viendra l'inventaire, je serai le produit de l'année dernière.
Ce texte tout en autodérision sert de porte d'entrée à un album où il faudra lire entre les lignes, au milieu de références musicales inattendues. Comme, plus loin, cet ovni electro-pop signé Philippe Katerine, qui vocalise la Tortue, la Tortue, la Tortue... en introduction. On m'appelle la Tortue, ce n'est pas pour la laitue. C'est que j'avance doucement, doucement mais sûrement , fredonne ensuite l'intéressé. Il n'empêche. Christophe Willem gagne là un temps fou. Quand ses confrères, après leur victoire, ont souvent dû s'accommoder d'enregistrements à la va-vite, lui a eu neuf mois. Zazie l'a décrypté en quelques rencontres et en a fait un « Double Je » à tiroir. Quand je serai grand, je serai Bee Gees, ou bien pilote de Formule 1. En attendant, je me déguise, c'est vraiment que toutes les couleurs me vont bien. Un peu plus loin, elle fait de lui une techno star dans « Quelle chance », hymne grinçant où le jeune homme du Val-d'Oise ironise sur les hommes politiques et leur vision de la banlieue. Nos cris mis au secret-défense, Faut que jeunesse se casse, brise toute résistance. Silence et vive la France ! Ces doubles sens vont bien à son physique de grand dadais, que compensent ses sourires, sa voix androgyne et sa présence solaire. « Bombe anatomique », résume un autre texte de Zazie. Des contraires dont il a fait une composition en piano-voix sur les mots de Natacha Le Jeune, la chanteuse du groupe rock A.S Dragon. Je quitte mon corps, je suis en elle et quand je dors, existe-t-elle ? « Cela pourrait être une projection de la part féminine de chacun, conclut-il. Tout le monde pourra y voir ce qu'il veut. »
Emmanuel Marolle
Le Parisien , lundi 19 février 2007